Manuel : Lettres minuscules
Les majuscules romaines sont idéales pour les inscriptions monumentales et constituent des outils élégants qui inspirent le respect. Les lettres imposent le respect, mais ne sont pas pratiques pour la communication quotidienne telle que les documents commerciaux, la littérature, la correspondance personnelle, les listes de courses et les graffitis, qui étaient tous essentiels dans la vie des Romains de l'Antiquité, ce qui rendait les capitales lentement construites encombrantes.
Comme toujours, la forme suit la fonction, ce qui a conduit à l'évolution de formes de lettres adaptées à des usages moins formels. Les inscriptions monumentales étaient réalisées par des tailleurs de pierre, tandis que les scribes - spécialistes de l'écriture sur papyrus ou sur d'autres matériaux - ont commencé à développer des styles plus souples. Au fil du temps, d'autres styles d'écriture sont apparus : Les capitales carrées, les capitales rustiques (ou Rustica) et la cursive romaine.
Les capitales carrées visaient à reproduire les lettres d'inscription, principalement réservées aux documents officiels. Elles témoignent d'un travail soigné tout en permettant une écriture plus rapide que les inscriptions en pierre.
Les capitales rustiques ont été introduites pour économiser de l'espace et du temps, avec un design plus étroit et plus simple qui les rend plus économiques pour les documents moins importants.
La cursive romaine, utilisée pour des tâches banales telles que la comptabilité et la correspondance, est devenue la main standard jusqu'à environ 500 après J.-C. Contrairement aux capitales carrées et rustiques, la cursive romaine permettait d'écrire plus rapidement, ce qui se traduisait souvent par des résultats illisibles. Sa particularité réside dans les lettres connectées, qui comportent des hampes et des jambages, ce qui la différencie des majuscules.
Avec l'expansion de l'Empire romain, la demande de documents écrits a augmenté, ce qui a conduit au développement de deux nouveaux styles : L'onciale et la demi-onciale. L'onciale, conçue pour les ouvrages formels tels que les bibles, a marqué un premier pas vers les lettres minuscules. Au début du sixième siècle, la demi-onciale est apparue, offrant un style plus condensé et plus lisible, se rapprochant de l'alphabet moderne que nous connaissons aujourd'hui.
Avec la propagation du christianisme, les moines locaux ont commencé à adapter ces styles, ce qui a donné naissance à ce que l'on appelle aujourd'hui les "mains nationales", des styles d'écriture uniques propres à des régions géographiques.
Jusqu'à l'an 800 environ, les changements dans l'alphabet ont été graduels et évolutifs, sans lignes de démarcation distinctes dans le développement du dessin. Cette situation a commencé à changer radicalement lorsque Charlemagne est monté sur le trône du Saint Empire romain en 771.
Charlemagne ne se contente pas de régner ; il étend les réformes initiées par son père, Pépin, et cherche à stimuler un renouveau de l'apprentissage et de l'amélioration de la vie civique. Lors d'une visite à Parme, il rencontre le célèbre érudit anglais Alcuin, qu'il invite à créer un système éducatif pour son empire. Alcuin accepte et, dans le cadre de son projet, commence à normaliser un style d'écriture pour les nombreuses nouvelles versions de la Bible Vulgate. C'est ainsi que fut créée la minuscule carolingienne, prédécesseur des lettres minuscules d'aujourd'hui.
Les minuscules carolingiens sont importants parce qu'ils ont fourni des modèles pour les caractères d'imprimerie minuscules encore utilisés aujourd'hui. Ils ont éliminé les formes cursives, veillé à ce que les lettres restent distinctes les unes des autres et évité les ligatures. Lorsqu'elles étaient combinées, les lettres n'entraînaient que des modifications mineures de la forme. En outre, ces lettres étaient dessinées de manière plus robuste que leurs prédécesseurs, ce qui les rendait bien adaptées aux caractères mobiles, lorsque Gutenberg a inventé la typographie
Aux XVe et XVIe siècles, les premiers créateurs de caractères latins, tels que Griffo, Jensen et Garamond, ont utilisé les minuscules carolingiens comme modèles pour les lettres minuscules.
Cette norme a été maintenue au XVIIIe siècle dans les travaux de John Baskerville et s'est poursuivie au XXe siècle, avec les dessins de caractères de Frederick Goudy, Hermann Zapf et Matthew Carter.
Bien que l'on ait tenté de modifier le dessin des lettres, de les condenser ou de les élargir, d'égaliser leurs différentes largeurs, de modifier électroniquement leurs proportions, les résultats n'ont pas remplacé la norme de dessin établie par les Romains et leurs successeurs. Elle est devenue la quintessence de la fusion de l'art et de l'information.
Le terme "minuscule" est apparu au milieu du XIXe siècle, lorsque les typographes ont organisé les lettres métalliques en casiers distincts. Les petites lettres, utilisées plus fréquemment que les capitales, étaient placées dans un plateau inférieur pour des raisons de commodité. Les majuscules étaient stockées au-dessus, dans une boîte supérieure, d'où les termes "minuscules" et "majuscules".